Des miettes de cirage offertes comme un songe

Rongent de leur noirceur les murailles d’un port

Où se blottit encore un timide renfort

Venu de l’océan dans lequel le vent plonge.

 

Presque sans souvenir et sans aucun mensonge

Des bruits de rails lointains et des bribes du sort

Couvrent de leur denture un cœur de maillechort

Que des chiens aboyant poursuivent de leur longe.

 

Un éventail de sucre étalé sur l’ardoise

Compte les bâtonnets d’une lèvre narquoise

Comme si les erreurs avaient droit au pardon.

 

Et pour creuser le ciel d’une ride de jade

Quelques hommes serpents fiers de leur galéjade

Jettent du feu cuivré d’un parfum d’amidon.

 

Francis-Etienne Sicard Lundquist

Griffes d'orties@2015

 


Publié le 22/08/2025 / 5 lectures
Commentaires
Publié le 23/08/2025
Je trouve que ce poème est dans la continuité de « Toise à bougies », dans le sens où le cosmique semble s'imposer dans le dernier tercet. Du port rongé par la noirceur, du bruit lui succédant, on a toute de même un premier tercet d’une douceur qui semble bien éphémère, coincé entre la noirceur et la fureur du bas et l’immensité des cieux, complices des hommes, fussent-ils pourvus de langues fourchues. Quels tableaux et forces qui se dégagent de ton poème, bravo Francis-Etienne.
Publié le 24/08/2025
Cher ami Léo, merci encore pour ce commentaire si juste d’un texte qui semble bien être une reprise ou une forme de suite du texte précédent. La noirceur et les sarcasmes font partie de la trame de ce texte. Je l’ai écrit sous des impressions noires nées de la contemplation d’une photographie prise dans un camp de concentration. La cruauté de l’imagination dépasse l’écriture et l’expression poétique. Le gouffre de souffrance qui irradiait de cette photographie m’a touché au point d’en perdre le regard. Comme tu le sais, j’ai vécu à Berlin. Or ma sensibilité a été exposée à des bribes d’histoire dont j’ai tiré cette composition. Le régime communiste de l’Allemagne de l’est ne pas laisser indifférent et j’ai traversé des expériences, quoique banales, qui m’ont marqué du sceau du souvenir et de la mémoire. Comment ne pas faire le lien avec une histoire antérieure si cruelle, si abjecte et si brutale ? Je eu la chance de voir, à Berlin, le film intitulé « L’œuf du serpent » d’Ingmar Bergman qui m’a tellement bouleversé que j’ai quitté Berlin pour plusieurs mois. Ce film a hanté ma mémoire et me poursuit encore. Peut-être transparaît-il encore dans cette forme de l’écriture ? On ne peut jamais dire à quel point une impression violente risque d’influencer toute une vie, toute une œuvre, toute une vision du monde. Voilà une confession que je me devais de faire en réponse à ton si juste commentaire. Merci Léo, et à tout de suite. Francis-Etienne. Les mots déchirent l’âme avec leur sombre griffe Comme un triste pantin que le vent ébouriffe.
Publié le 24/08/2025
Je comprends mieux, ton témoignage est bouleversant.
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