Il y a quelques jours, j’ai salué à l’entrée du nouveau siège à Pétion-Ville le sympathique directeur général de Radio Caraïbes (RTVC), M. Bregard Anderson. Depuis environ un an, la RTVC avait dû déménager ses installations face à l’avance des factions lourdement armées. Nous avons discuté cordialement, loin d’imaginer les terribles nouvelles que nous allions recevoir dans quelques jours...
Radio Caraïbes (fondée en 1949) constitue le seul coin de l’hispanité musicale pour plusieurs générations depuis 76 ans. Le dimanche matin, entre 8 et 10 heures, nous assistons à la parade incomparable de tous les grands du ranchera mexicain. En bonne compagnie avec ce programme, il y a aussi tous les rythmes des Caraïbes hispanophones le samedi après midi.
Le plus grand succès de Radio Caraïbes, dans son siège historique de la ruelle Chavannes, à quelques mètres du Palais national, c’est de pouvoir réunir autour d’une table avec des micros, dans un studio moderne, toutes les tendances politiques du paysage haïtien. Depuis l’acquisition de la station, au milieu des années 1990 par M. Patrick Moussignac, les studios s’installent, magnifiquement, dans les cœurs, les cours et sur les trottoirs. Cette union exceptionnelle est d’abord le fruit du travail talentueux de ce vétéran combattant qui a complètement modernisé la communication entre les différents secteurs de la communauté haïtienne, à l’intérieur de nos frontières et à l’étranger. Le fonctionnaire ou citoyen choisit son programme pour intervenir ; il y a toujours de la place pour chacun à Radio et Télévision Caraïbes.
Ce jeudi 13 mars 2025, après deux jours et deux nuits de tirs intenses de tous calibres à travers ce qui reste de Port-au-Prince, nous apprenons que les installations de la RTVC à la ruelle Chavannes ont été incendiées mercredi soir par des bandits lourdement armés. Selon certains journalistes, «l’attaque a détruit les équipements et les archives de cette station emblématique».
Une fois de plus, des morceaux considérables de la mémoire nationale disparaissent... en fumée.
Je terminais à peine cette note lorsque j’ai reçu des nouvelles de Mélodie FM: «Les locaux de la radio Mélodie FM, situés rue Capois, ont été vandalisés dans la nuit du 12 mars 2025...»
II
La petite Haïti, géographiquement petite, vient de s’offrir un gouvernement où le savoir occupe d’importants portefeuilles. Ceux de ma génération qui osaient regarder le monde, à travers les yeux de Jean Daniel (Nouvel Obs) et de Béchir Ben Yahmed (Jeune Afrique), ont fait connaissance, aussi, avec Marcus Garcia. Hier, sur Métropole; aujourd’hui, Mélodie FM.
Éditorialiste de choc, dans un milieu orphelin de débat; écrivain profond, à la prose incisive et aux articulations puissamment subordonnées, comme souhaitées par Buffon, il représente un véritable package civique, tant par son discours que dans sa conduite.
Déjà brillant journaliste, de grandes convictions, à l’époque où ce métier conduisait vers les sombres cachots ou vers les chambres froides post-mortem, il a vécu mille horreurs et survécu à de nombreuses guerres sordides, toutes oubliées par notre collectivité matraquée.
Dans le sens le plus gaulliste du mot, Marc Aurèle Garcia est un homme de gouvernement. Nous apprendrons à observer cette équipe à partir de ses mots.
Certainement, cela aidera énormément le gouvernement dont il est ministre de la culture.
Haïti en Marche, édition du 30 Mars au 05 Avril 2016 • Vol XXX • N° 11; page 3
Gilbert Mervilus
Léo
