Il passe parfois dans la vie d'un lecteur, un OVNI littéraire qui nous envoûte tellement son contenu ou son histoire est unique.
Sigismund Krzyzanowsky (1887-1950 ), né à Kiev, mort à Moscou, a écrit des récits de fiction parmi les plus étranges et originaux que j'ai lu. Le Marque-page en contient 6. On a l'impression au fil de la lecture de lire un adulte, mi-Kafka, mi-Borgès qui raconterait des histoires à un enfant de 4 ans.
C'est l'imagination au pouvoir. L'absurde traitée avec talent et intelligence. Et c'est jouissif.
Quelques exemples cueillis au fil des histoires;
- Vous avez le matricule 11111 ? C'es bien, vous êtes cinq fois unique.
- Vous possédez un produit qui, enduit sur les murs, a la propriété de les faire s'éloigner les uns des autres ? Alors vous profitez de l'espace accru... jusqu'à ce que la commission de contrôle des surfaces arrive...
Et puis, celle-ci, La métaphysique articulaire, ma préférée, dans laquelle vous allez vous installer dans la tête d'un homme obsédé par une seule idée; arriver à se mordre le coude.
(Revenez, je sais que vous avez essayé. Ça ne se fait pas).
Krzyzanowsky a écrit ces récits dans les 1926-1939, donc pendant les années où Staline était à la tête du pays. On peut difficilement imaginer un régime politique moins enclin à encourager la fiction spéculative d'un auteur comme lui.
Quand il est décédé en 1950, aucune de ses histoires n'avaient été publiées.
Il a fallu l'entêtement d'un étudiant curieux qui avait entendu parler de ces textes et s'est mis à leur recherche pour qu'un jour les éditions Verdier nous en présente une traduction française en 1989.
Ce livre est un court voyage, 159 pages, mais c'est une promenade délectable.