Je suis sûr qu’il vous est déjà arrivé d’hésiter entre offrir un livre ou une boite de chocolat à une personne qui vous tient à cœur, et je crois avoir résolu ce dilemme en découvrant « L’adresse » d’Arthur Teboul, qui m’a été offert et que je vous recommande de lire, et d’offrir à votre tour.
On connait Arthur Teboul comme le parolier du groupe de musique Feu Chaterton, et pourtant j’ai fait sa connaissance avec un précédent livre « Le déversoir — poème minute » et avec lui (même si Hélène Laly inscrite sur site m’en avait parlé), de découvrir l’écriture automatique qui consiste à écrire spontanément et sans réfléchir. Cela parait simple, mais pour beaucoup d’auteurs qui vous parleront de la sinistre page blanche, ça ne l’est pas.
J’avais lu le déversoir alité et la souffrance ne me permettait pas de rester attentif et concentré très longtemps, et les poèmes minute étaient comme autant de baumes réconfortant pour laisser filer les minutes pénibles et prendre mon mal en patience.
Et j’ai reçu depuis en présent « L’adresse — les rendez-vous du déversoir » que je viens enfin d’ouvrir pour mon plus grand bonheur, fidèle à ce que j’avais déjà entrevu du travail d’écriture d’Arthur Teboul : une opportunité de tisser des liens indéfectibles à travers les mots et construire des passerelles entre les êtres.
Le concept, racines profondes et sincères de ce livre, est juste magnifique. Une adresse donc, le déversoir, et la possibilité pour tout un chacun, de prendre rendez-vous et de rencontrer Arthur qui écrit et vous offre durant le temps imparti un poème, fruit de l’imagination et de cette rencontre singulière, car le seul échange se fait à travers l’écriture et la transmission de ce poème (qui va par ailleurs enrichir le livre que l’on tient entre les mains). L’aventure commence un dimanche et l'écriture automatique au gré des rencontres opère avec la quasi régularité d'un métronome… 10 h 20, 10h46, 10 h 58, 11 h 08, 11 h 24 et dans ce laps de temps, le visiteur est invité à occuper silencieusement son corps dans la pièce telle qu’il l’entend, assis, debout et pourquoi pas allongé au sol… il y a une âme qui entre en connexion avec une vie venue à sa rencontre et ce nouveau chapitre qui s'écrit, qu’il n’est pas donné à tout le monde de vivre.
Les minutes s’égrènent autant que les jours se succèdent l’espace et ce sont l’espace d’une semaine 250 visiteurs qui vont se rendre au rendez-vous ; en consultation avec cette nouvelle profession que l’on découvre sous le nom de déverseur et qui devrait à coup sûr susciter de nouvelles vocations.
J'ai lu sans discontinué, pris dans la frénésie de l'écriture automatique avec en tête cette petite voix (pour le cinéphile invétéré que je suis) qui trotte dans ma tête « la vie c’est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber » du plus grand des philosophes connus après Baloo (cf. il en faut peu pour être heureux), j’ai nommé Forrest Gump (désolé pour cette digression).
Pour en revenir au livre, je puis vous dire que je suis impressionné, que dis-je, subjugué, par la capacité d’Arthur à produire autant, qualitativement sur une période aussi dense et ramassée… c’est une performance, qui combinée au concept mérite très largement d’être lu pour le croire. Vous l’aurez compris, « L’adresse » c’est aussi la vôtre en qualité de lecteur. Non plus un numéro adossé à un l’endroit précis d’une rue, mais entre vos mains grâce à la magie du livre objet.
Et en parlant du livre objet, c’est d’ailleurs plutôt d’une œuvre d’art dont il est question, tant dans la mise en page, que dans le graphisme qui le compose également et puis, comme l’auteur n’est pas avare de partage et de rencontres, il en a fait naitre une autre, en adressant à ses visiteurs des questions auxquelles ils ont pu répondre quelque temps après : « En quoi le poème vous ressemble-t-il ? » ; « Qu’avez-vous ressenti en entrant dans le cabinet ? »… et cette fois, dans cette seconde partie de l’ouvrage, de lire les âmes qui se sont succédé dans toutes leurs sensibilités.
Plus que d’en parler, il faut le lire, s’imprégner des autres, des mots des autres, apprivoiser, faire sien, aimer et croire de nouveau en l’humanité en ce qu’elle a de très précieux, le partage et les mots…