Ses yeux plantés dans les siens, il le saisit aux épaules et le secoua, comme un prunier. Il fixa son corps ni trop grand, ni trop petit, sans muscle, mais pas obèse. Il possédait des cheveux courts noirs et des yeux bleu clair. Sa tête légèrement ronde, la mâchoire carrée, le nez fin, la peau mate, les dents blanches, les lèvres rosées, le visage neutre, blasé, sans dévotion d’intérêt pour ce qui se passe devant lui. Lucas avait beau à agiter Richard, aucune réaction. Probablement trop choqué par ce qu’il venait de voir. Qui ne l’aurait pas été ? leur village, qui été construit à côté d’un étang, détruit par une seule personne, une femme de surcroit. Elle était apparue, sans explications logiques, au milieu de flammes. Elle portait une longue robe noire aux bordures violettes sombre. Cette tunique descendait jusqu’à ses pieds, coincés dans des talons, et trainait derrière elle. Elle possédait au visage sans âge et à la beauté de glace. Ses lèvres rouges, comme les roses. Ses yeux de feux gelaient le sang de quiconque les regardaient. Sa droiture laissant paraître son orgueil, son sourire froid exprimait son arrogance et ses pupilles reflétaient son sadisme. Elle riait pendant qu’elle détruisait chaque maison, chaque personne. Ces deux hommes-là étaient les seuls à avoir réussi à en sortir.

Lucas vit Richard tomber à genoux. Il hurlait, pleurait, devant eux, il n’y avait plus rien. Dans l’œil de Lucas, on pouvait facilement distinguer l’horreur qui se jouait en face de lui. Un nuage de fumée noire, de la taille d’un château, s’élevait avec fierté jusqu’au ciel. Les cris des villageois résonnaient à leurs oreilles, ils se perdaient derrière ces immenses gifles que le feu offrait chaleureusement. Puis, aucun bruit, tout avait disparu. Tout, sauf le germe d’une fleur. Laquelle ? Ni Lucas, ni Richard ne pouvaient répondre à cette question. En la regardant, ils voyaient l’espoir en elle. Cette plante n’était pas bien grande, quinze centimètres tout au plus. Deux petites feuilles commençaient à se former. Une légère brise la faisait danser. Un début de bourgeon se trouvait à sa tête. Les hommes étaient fascinés par ce végétal. Comment une chose aussi simple et belle pouvait-elle naître dans ce lieu d’horreur et de larmes.

Devant cette petite fleur, dans un seul et unique regard, ils s’étaient compris. Le geste de cette inconnue ne restera pas impuni. Ils la traqueront toutes leurs vies s’il le fallait. Ils voulaient comprendre cet acte. Pourquoi avoir fait cela ? Pourquoi ce village ? Qu’avaient-ils fait ? Tant de questions sans réponse. Ils étaient les uniques survivants, et sous la lueur blanche de la Lune, leurs âmes s’étaient assombries. En regardant cet astre solitaire, ils firent une promesse silencieuse de vengeance. Elle mourra pour avoir commis ces meurtres infâmes. Le vent chanta une douce mélodie d’espoir à leurs oreilles, dans un pas franc, ils quittèrent ce lieu d’opprobres et de larmes sans jamais se retourner. Leurs regards tournés vers un avenir trop incertain pour pouvoir le décrire. Ils ne savaient pas où ils se dirigeaient, mais ce qu’ils savaient, étaient leur soif de vengeance.


Publié le 08/05/2023 /
Commentaires
Publié le 11/05/2023
Ne lisant jamais de textes "fantastiques", je n'ai pu m'empêcher de penser immédiatement à la guerre en Ukraine, notamment, en lisant ce texte, tant il m'en semble une allégorie. Cette succession très rapide entre l'effroi, l’émerveillement devant l'obstination de la vie, et le désir de compréhension puis de vengeance me séduit particulièrement, car assez proche de la manière par trop changeante dont se bouscule la vie actuelle sur terre et dans les sociétés. Une petite coquille à corriger dans "Lucas avait beau à agiter" - L'usage du mot opprobres est ici étonnant, mais dans ce contexte assez irréel, pourquoi pas :-)
Publié le 12/05/2023
Bonsoir, on sent un gros travail de description qui est un exercice assez complexe puisqu'il est question de mettre les images dans la tête du lecteur. L'aspect physique et vestimentaires associés aux caractères sont assez homogènes et j'avoue avoir été pris dans le filet de l'intrigue avec l'envie d'en savoir plus. A plus tard.
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