« Lorsque nos yeux fixent un abime,,l’abime finit par se fixer surnos yeux ».(NIETZSCHE)
Certains penchés sur un problème jusque tard dans la nuit, n'arrivent cependant pas à le résoudre. Fatigués par l’effort vain, ils s'endorment pour remettre au lendemain
ce qu'un seul jour n'a pu révéler. Les mêmes, avec le réveil découvrent brutalement la solution que l’état de demi-veille précédant le sommeil leur avait offert. D’autres,rares, comme ils pensent que comprendre n'implique pas de jugement antérieur à la compréhension, attribuent au cerveau un fonctionnement permanent dont le seul frein serait une fin. Mais il existe aussi des êtres, sans doute épris de forme qui, se refusant à acquérir la connaissance par fragments, la souhaiteraient entière…
Le chemin avait été long quoique coupé de hasards heureux qui avaient renforcé sa conviction première de marcher vers un but qui s'il n'était pas certain s’avérait pour lui, inéluctable. L'Homme, repu de rien, si étai soustrait, lui l’ avait atteint, enfin.
Par une série de réactions, il approcha son corps du carré fermé, un espace s’y ménagea et il put pénétrer dans ce lieu qui, pensait-il, renfermait cet abîme a jamais creusé par l'ensemble des réflexions inassouvies, première vision d’une profondeur comparable aux limbes parce
qu'imprécise, différente du mensonge puisqu’ inconnue. Dire qu'il fut déçu lorsqu'il le vit est fort : il n’accordait pas raison foncière à son imagination ; qu'il ne le fut pas serait faux : il avait espéré un décor approprié, vierge de tout décor. En fait de quoi, au lieu d'abîme, à ses yeux s'offrait un trou, cercle noir, parfait, puits sans margelle, d'un diamètre à peine suffisant, et surmonté d'un arceau d'un métal blanc qu’il ne parvint pas à identifier. Parvenu
tout au bord, il s'arrêta... Ses yeux fixaient l'ombre vide ! Si sautant il confondait les fonds-il y a partout dualité - Il ne saurait jamais, ou tout au moins aurait la révélation
brutale d'un monde meilleur, au sens commun. Il était perdu dans des préoccupations ayant rapport avec un sujet dont ses yeux ne se détachaient pas, qu’un saut pourrait peut-être éclairer, troubles à la recherche de seule vérité et qui, du fait même de leur nature, ne pouvaient prétendre à cette vérité comme à un de ces éléments, effets chacun d'une sérénité totale.
Une pensée nouvelle vint enrichir ce chaos : se joignant à l’indifférence immuable qu'il avait pour la mort, l'idée que, s'il sautait, sa vie entière ne suffirait pas à couvrir un vide trop grand l'arrêtait, puisque, par un acte peut-être irréfléchi, dicté par un orgueil que dissimulait une soif, inconscient, il laisserait ignorer les événements quotidiens, engendrant l'expérience, de l'homme qui n'entreprend pas. Il hésitait à faire de l'enfant un pur vieillard !
Ses yeux toujours fixaient l’abîme, en vue d'un pourquoi !
Dans des soubresauts de refus, la lueur diurne cédait le pas, par degrés, à une nuit qui ne voulait que s’étendre, encrier ouvert que l'on renverse sur un drap écru, au détriment d'un jour doté d'une lumière propre à la saison à suivre. Ce phénomène n’influa pas sur lui : il était habitué aux frasques d'une nature en déclin !
Tout son être était tendu vers une décision finale, suite de l’indécision existante, avec une telle intensité que ses muscles soudain le trahirent. Il dut appuyer ses mains contre l'arceau et son énigme ! Ce faisant, il prit vraiment conscience d'une attirance, qu'il ne pensait pas mutuelle, pour ce vide et se redressa, sans pour autant détourner le regard.
Le jour, acculé de plus en plus par une ombre qui s'affirmait, était près de disparaître... La nuit, noire ou bleue mais nuit , oubliant ses étoiles se faisait entière, son omniprésence naissante incitait à la résignation. Comme il s'unissait aux ténèbres profondes, il devina plus qu’il n'entrevit, mais ne se détourna pas. L'abîme se fixa sur ses yeux !
Marcel nous a quitté le 29 avril 2020 et c’est avec l’accord de son épouse et avec le souvenir de tous ses amis que nous sommes très heureux et émus de continuer à faire connaître ses textes et son talent, nottament à travers l'absurde, que vous retrouverez sur ce compte. N’hésitez pas à vous y abonner, à partager ses textes, et à laisser des commentaires pour faire perdurer ses textes et son souvenir.