J’ai fait ce rêve
J’ai fait ce rêve.
Ce rêve étrange.
Deux cercueils superposés, mais en équilibre sur la moitié,
pour que celui du dessus ne tombe pas.
J’ai fait ce rêve :
deux cercueils en verre,
en équilibre fragile.
J’étais dans les deux, endormi.
J’ai fait ce rêve :
deux cercueils en verre.
Je me suis réveillé…
Et je me suis vu dans les deux.
J’ai fait ce rêve,
puis je me suis rendormi.
Ces deux cercueils étaient toujours en équilibre.
Je dormais encore dans les deux.
Ils étaient transparents.
Je me suis reconnu
J’ai raconté ce rêve.
On m’a répondu :
“C’est bien toi dans les deux.
Dans l’un, l’être cabossé.
Dans l’autre, l’être heureux.”
J’ai fait ce rêve…
Parce que j’ai commencé à écrire ma vie.
Le cabossé est là : il me rappelle le sombre.
L’heureux est là : il me fait avancer.
J’ai été l’un ou l’autre.
Parce que j’ai appris à être l’un ou l’autre.
L’heureux m’a donné une vie que je considère pleine,
presque heureuse.
Le malheureux m’a brutalisé,
pour que j’avance,
et que je comprenne mes époques douloureuses.
Ils se sont partagé la tâche de me pousser en avant.
Même si j’ai sombré un jour,
la force est revenue.
Un nouveau départ m’a été donné.
Le sombre est resté, sanctuarisé,
et il m’a dit :
“Tu ne t’es pas libéré de moi.”
J’ai fait ce rêve.
J’écris ma vie.
Et le sombre m’instruit, m’explique.
Car lui aussi veut que je m’en sorte.
Il veut la fusion avec l’heureux.
Pour qu’enfin je sois entier.
Un seul être,
qui pourra comprendre, oublier, archiver.
Et enfin vivre uniquement avec le seul,
le vrai,
celui qui compte,
celui que tout le monde attend.
Celui que j’attends depuis si longtemps.
J’ai fait ce rêve.
Et dans ce rêve, ces deux cerceuils n’auront plus lieu d’être.
Jusqu’à ma mort,
un seul suffira.
J’aurai fait ce rêve comme un appui,
qui m’aura donné la vie dont je rêve depuis si longtemps.
Toi et moi serons réunis, unis.
Je t’amènerai avec moi,
dans la sérénité enfin dévoilée.
J’ai fait ce rêve.
