C'est lui qui la vit le premier. Ou,peut-être l'avait-elle apercu, sans le reconnaitre. Après tout,le temps avait passé. Beaucoup de temps. Et il avait conscience d'avoir changé, tout au moins physiquement. Peut-être même pensait-elle qu'il n'était plus de ce monde.
Plutôt que de se faire reconnaître, intimidé ou nerveux, il se mit en tête de la suivre. Ce n'était pas facile, car elle marchait lentement, s'arrêtant pour regarder les vitrines des magasins du bord de mer, animé en cette fin d'après-midi où les baigneurs avaient commencé à déserter la plage, au profit des cafés ou commerces. Elle portait des sandales de cuir tressé qui valorisaient ses pieds bronzés aux ongles vernis de bleu, un short jaune, serré aux cuisses, qui mettait en valeur ses longues jambes, et un haut de maillot de bain fleuri aux couleurs heureusement assorties à celle du vernis et du short. Il s'arrêtait quand elle s'arrêtait. Puis il reprenait sa marche au même rythme, prenant soin d'être toujours séparé d'elle par un groupe de personnes.
Manifestement, elle avait du temps à perdre, car de plus en plus fréquemment elle entrait pour quelques minutes, ou plus longtemps, dans plusieurs magasins de vêtements ou de souvenirs, d'où elle ressortait avec quelquefois des achats.
Le soir commençait à tomber et elle continuait au même rythme, presque indolent, les bras chargés de paquets. Il finit par se dire qu'il était ridicule de ne pas l' aborder, se faire reconnaître. Après tout, ils s'étaient quittés plutôt en bons termes. Il la contourna, pour ensuite se porter devant elle, l'obligeant à s'arrêter.
Feignant la surprise, il s'exclama : « Incroyable, Élisabeth ! ». Elle répondit, en allemand qu'elle ne comprenait pas, et passa son chemin, le laissant abasourdi.
Marcel nous a quitté le 29 avril 2020 et c’est avec l’accord de son épouse et avec le souvenir de tous ses amis que nous sommes très heureux et émus de continuer à faire connaître ses textes et son talent, nottament à travers l'absurde, que vous retrouverez sur ce compte. N’hésitez pas à vous y abonner, à partager ses textes, et à laisser des commentaires pour faire perdurer ses textes et son souvenir.
