Lire « Pensées pour moi-même » de l’empereur philosophe romain Marc Aurèle, est une façon très efficace de se plonger dans le stoïcisme qui est un courant philosophique helléniste.
Si pour les personnes éloignées de la philosophie (comme je l’étais dans le passé) le terme parait inabordable et prise de tête, il n’en est rien. C’est d’ailleurs toute sa simplicité qui a conduit de nombreux coachs de la motivation a faire leur cette pensée pour la distribuer de façon très lucrative à celles et ceux qui ont du mal à s’affranchir du regard des autres. Ou qui peuvent vivre de la pression et les tensions que peuvent générer certaines interactions sociales. Ou qui... bref, vous savez comme moi que l'humain a le chic pour cumuler tout un tas de difficultés qui l'empêchent d'avancer.
Lire « Pensées pour moi-même » de Marc Aurèle c’est être invité à faire le vide absolu sur tout ce dont nous n’avons pas la main, ni plus ni moins. Vous ne pouvez pas changer les choses ? Alors faites avec ; acceptez votre destinée et évacuez de votre esprit tout ce qui vous fait perdre du temps du fait que vous n’y avez pas prise pour vous accomplir en devenant une meilleure version de vous-même (terme qui pullule sur les réseaux sociaux et d’innombrables vidéos).
« Le propre d’un homme bon est d’aimer et d’accueillir avec joie ce qui lui arrive. »
Car l’objectif premier visé par les pensées de Marc Aurèle est bien une quête de la vertu notamment exprimé à travers la piété, et qui est rendu possible par le renoncement aux désirs.
Ce qui est intéressant c’est que cette approche rejoint celle de Schopenhauer qui analyse l’absence de bonheur par l’insatiabilité des désirs que nous avons de cesse de créer pour ne pas sombrer dans l’ennui et dont est tiré la phrase incontournable « la vie oscille comme un pendule, de droite à gauche de la souffrance à l’ennui ». Souffrance de n’avoir pas ce que l’on désir, et ennui lorsque nous l’avons satisfait…
Plonger dans le stoïcisme c’est comme entrer en une introspection monastique qui vise à faire le silence sur tout ce qui nous entoure et tout ce qui peut nous corrompre pour nous aligner non pas sur le divin (même si ce dernier est omniprésent tout le long de l’ouvrage et que le ressors de la la piété y mène bien) mais de façon plus vaste et désincarnée, d’être aligné en tout point avec la nature universelle dans laquelle se fond notre individualité. Nous sommes tous reliés et nous sommes tous soumis à ces lois de la nature que l’on ne saurait déjouer. Aussi comme nous ne pouvons pas les déjouer, pourquoi perdre de l’énergie et se faire des noeuds au cerveau, puisque tout est déjà écrit et que la seule issue qui nous attend c’est la mort (qu’il faut par ailleurs accepter, c’est dans le pack) ?
Car la mort vous fera tomber inexorablement dans l’oubli (à l’exception de figures emblématiques de l’histoire), que ce soit vous autant que les personnes qui vous cherchent des noises. Marc Aurèle insiste bien sur le fait que l’on est peu de chose face à la détermination de cet univers, tout juste des grains de poussières dont l’insignifiance est telle qu’il en est ridicule, voire obséquieux, de penser que l’on vaut bien mieux, que notre condition emportée dans le typhon des forces supérieures.
L’heure est à l’humilité donc : nous sommes insignifiants et éphémères (et je me dis à cet instant précis que j’aurais pu livrer cette chronique avec une corde).
C’est ainsi qu’en lisant Marc Aurèle, on aborde la notion du déterminisme et d’un autre terme voisin passionnant qui a animé bon nombre de philosophes, qu’est le nihilisme. Le stoïcisme est une porte ouverte (comme nous l’avons vu précédemment avec Schopenhauer et Sénèque) sur bien d’autres courants, à la croisée de toutes les pensées qui nous donnent quelques briques de sagesse… et en cela également le stoïcisme apparait comme une formule toute en une ( oui, oui, dont raffolent les coachs, devient une meilleure version de toi-même mais bouge-toi le c**).
En toute simplicité, le stoïcisme semblerait être une réponse à nous nos maux et déséquilibres donc. Seulement voilà, rien n’est moins complexe que l’âme, les sentiments et les aspirations humaines. Rien n’est plus orgueilleuse et révoltée que notre espèce qui dépasse les limites plutôt qu’il ne s’efforce de les contenir et de les réprimer ; qui n’a de cesse de se dire que l’homme pourrait bien comme l’affirme Nietzsche, remplacer dieu (qui est mort) et sa science avoir raison de tous les mystères qui pourraient même nous ravir jusque la mort que nous n’aurions donc plus à devoir accepter. Probablement pour cette raison que cette solution miracle qui vise l’harmonie ne s’est toujours pas imposée (oui, oui, toi aussi tu peux devenir coach et gagner de l’argent en vendant le concept).
Et puis enfin, j’y trouve une forme de froideur à tout supprimer mécaniquement, et de renoncement également qui peuvent conduire à une forme de cynisme, qui, tient, justement, a profondément influencé le stoïcisme…
C’est une des références à lire je pense, et à dépasser, sûrement.