Je devais prendre l'avion à Memphis (Tennessee) jeudi matin, c'est à environ à 60 km de Bay, où j'avais carrément ma petite maison très confortable mise à ma disposition par Tami et sa famille tellement gentille, bien plus que ça. J'étais une sorte de vache sacrée pour les Hatcher. Je dois dire que c'est un rôle que je revêts avec plaisir.

 

Bref, comme toujours avant de prendre l'avion, je suis nerveux, surtout dans un pays dont je comprends la langue et les us très superficiellement. Mais Tami a fait son maximum pour me détendre et m'a amené bien à temps de l'Arkansas jusqu'au Tennessee dans sa voiture. Ensemble, nous avons traversé le Mississippi, très impressionnant notamment à cause des énormes structures métalliques qui constituent les ponts qui l'enjambent. Puis nous sommes arrivés à l'aéroport, pas très grand finalement, tant mieux ! Le personnel, contrairement à celui de Laguardia était aimable, même au "security check". Avant de nous séparer, nous nous sommes serrés, Tami et moi. Nous ne parvenions pas vraiment à nous quitter, ces quelques jours ensemble ont été très particuliers, un moment irréel. Finalement, je lui ai ordonné "Go away !" car je sentais que les larmes allaient me venir. Je suis un émotif, vous savez.

 

Ensuite rien à signaler sauf que j'ignorais que l'heure n'est pas la même dans le Tennessee et en Caroline du Nord. Alors, une fois arrivé à Charlotte (Caroline du Nord), j'étais à côté de la plaque question timing. J'étais précisément une heure à côté de la plaque pour prendre l'avion suivant qui devait m'emmener de Charlotte à Raleigh/Durham. Pour compliquer le tout, mon avion était en retard. Et Last bu not least, il y avait une faute dans le panneau indicateur de l'aéroport. In extremis, comprenant que je ne comprenais pas, j'ai demandé leur aide à deux voyageurs. Lorsque finalement j'étais au bon moment au bon endroit, l'équipage ne l'était pas. Un problème technique à Las Vegas ai-je cru comprendre, les avait empêché d'être à l'heure. Nous avons donc embarqué en retard. Le pilote a cru nous rassurer en nous expliquant que nous allions décoller très vite. Je ne sais pas pour les autres, mais moi, ça ne m'a pas rassuré du tout car l'aéroport de Charlotte étant un très gros aéroport, je me demandais comment ils allaient pouvoir glisser un décollage "vite fait" dans un trafic aérien si dense. Une fois arrivés en fin de "taxi", la route qu'empruntent les avions pour se rendre en début de piste, j'ai vu un Delta Airlines qui nous fonçait dessus plein pot pour atterrir. Heureusement, il nous a manqué mais pas de tant que ça... Machinalement, j'avais relevé les pieds, espérant sans doute que ça ferait remonter un peu l'avion qui nous menaçait... Mais ces gens savent ce qu'ils font et nous avons finalement décollé sans encombre pour un vol de 55 minutes vers Raleigh.

 

Tami, ma fée américaine, m'avait dit d'appeler un numéro. Elle avait réservé un taxi pour moi. Il suffirait que je trouve un "Courtesy phone" et que j'appelle le numéro en question. Je dois dire qu'avant d'appeler le taxi, j'étais un peu perplexe pour ma valise rouge, celle qui contient tout le matériel audio dont j'ai besoin pour le show, mais comme j'ai toujours des places pourries, vers la queue de l'avion, j'ai eu l'occasion de voir par le hublot ma singulière valise rouge débarquée et chargée sur ces petits camions qui tirent de petites remorques chargées des bagages des voyageurs. Quel soulagement de la voir ! J'ai vu que l'employé avait remarqué qu'elle était mal fermée et qu'il essayait en vain de la fermer correctement. Plus tard, j'ai compris pourquoi. En ouvrant le bagage à l'hôtel, il y avait un petit mot qui me disait que mon bagage avait été inspecté et que si d'aventure, il avait été abîmé parce qu'il aurait été verrouillé, je ne pourrais espérer aucun dédommagement. Elle n'était pas fermée à clef et elle n'a pas été abîmée mais les contrôleurs n'avaient pas parfaitement compris les finesses de la fermeture du ma valise rouge.

 

Revenons aux fameux "courtesy phones", je ne les ai jamais trouvés, alors, après avoir fumé une cigarette, tellement attendue, j'ai demandé au premier gars venu si je pouvais utiliser son téléphone parce que le mien ne fonctionnait pas. C'était un homme jeune de couleur. Il m'a très aimablement demandé d'attendre qu'il finisse son appel mais j'ai bien compris qu'il a dit à son interlocuteur qu'il rappellerait plus tard et il m'a tendu son smartphone. Je lui ai montré le papier que Tami avait glissé dans ma poche avec toutes les informations utiles et je lui ai demandé de former lui même le numéro, ce qu'il a fait. Ensuite, il a voulu que je prenne son appareil en main mais je lui ai dit que ce serait plus simple qu'il parle à ma place parce que mon anglais était less que moyen. A un moment donné "Jonathan" le taximan réservé par Tami a demandé qui appelait. Mon aide a commencé à répondre mais, parce qu'il ne connaissait pas mon prénom, il a placé l'appareil devant ma bouche pour que je dise "Patrice". L'interlocuteur a du trouvé ça bizarre. Ça devait un peu ressembler à un message automatique, avec l'opératrice qui dit, "vous parlez bien avec..." et là, tu as enregistré ton prénom ou ton nom, ou les deux. Mais ici, c'était en live. Bon bref, Jonathan comprend et me demande de me rendre à un point précis où il m'mebarquera car il refuse de venir me prendre là où je suis ou alors il faut ajouter 65 dollars à la course. Je demande alors au jeune homme près de moi s'il peut m'y emmener et c'est ce qu'il a fait. Je n'ai fait que de gentilles rencontres ici aux USA, exception faite de la salope de Laguardia.

 

En arrivant à l'hôtel, les autres de l'équipe se préparaient à sortir manger, Marie-Laure, Tie, Felwine, Dorcy, Djibril et Gaël. Je suis arrivé juste au bon moment et au bon endroit. J'ai jeté mes bagages dans ma chambre et nous sommes partis dans un endroit... Comment vous dire ?

Partout sur le sol, des tapis épais feutraient nos pas. La lumière du jour filtrait à travers de larges fenêtres en bois blancs, façon château de la Loire, entre lesquelles, des bustes de personnages sensément connus, posés sur des socles, ajoutaient au snobisme du machin. Au fur et à mesure de notre recherche de la "main room", nous rencontrions, debout, avec nœuds de papillon pour les hommes ou cols fermés blancs pour les femmes, des employés souriants qui ne demandaient qu'à nous aider. Après avoir traversé fumoirs, bibliothèques, petits salons de toutes les couleurs, nous avons finalement atteint l'objectif, le restaurant dont le tapis avait un demi pouce d'épaisseur supplémentaire. Un serveur, très classe, mais pas guindé du tout, est venu prendre ma commande en me tendant la carte. Une conversation en anglais approximatif a commencé :

" - Je ne comprends pas grand chose sur la carte. Vous allez choisir pour moi. OK ?

- Mais je suis là pour vous expliquer ce que vous ne comprenez pas.

- Oui, mais j'ai bien peur de ne pas comprendre non plus vos explications qui me préciseront ce que je ne comprends pas. J'ai une idée, choisissez un nombre de 1 à 8, s'il vous plaît.

- Je vous demande pardon, Monsieur !

- Allez-y ! Choisissez un nombre de 1 à 8.

- 6

- Très bien, je vais prendre le plat indiqué en sixième sur la carte. Qu'est-ce que c'est ?

- Et bien c'est une soupe de crabe.

- Vous vous rendez compte ? A New-York, Will, mon assistant m'a dit qu'en Caroline du Nord, je devais absolument goûter la "SheCrabSoup" et c'est précisément le plat que le hasard et vous avez choisi pour moi. Comment appelez-vous ça ,

- Je dirais "Destiny", Sir.

- Je vous suggère, à partir d'aujourd'hui de nommer ce plat "destiny meal".

- Je vais y songer, Monsieur."

 

En cours de repas j'ai du aller faire pipi, alors j'ai demandé à l'une des personnes debout au col blanc fermé où c'était. Elle m'a expliqué et j'ai cru comprendre "Deuxième à droite, puis à gauche et puis à gauche encore." Alors j'ai pris la direction que je pensais être la bonne et, avant de me diriger vers la droite au second croisement, je me suis retourné en sa direction. Avec un sourire , elle a agité sa tête de haut en bas, confirmant que j'étais sur le bon chemin.

 

Puis, la soirée s'est passée tranquillement jusqu'à ce que je parle de Trump en pondérant ce qu'on nous dit habituellement de lui. Le milieu est assez... je dirais gauche caviar, alors forcément mon pavé dans la marre a créé un petit froid, mais très court. Tout est rapidement rentré dans l'ordre.

 

Le lendemain, vendredi donc, nous devions préparer, Gaël et moi, le show de samedi. Ce n'est pas facile car les équipes là, ne prennent aucune initiative. Quand je dis aucune, c'est même encore moins que ça. Il faut être extrêmement directif. Je l'ai compris plus tard, trop tard. Le travail n'avançait pas et on a appris que, plutôt que de pouvoir travailler jusque 23 heures, nous devrions arrêter à 15 ! J'ai eu un gros coup de mou. A quoi bon préparer un show qui ne se fera pas. Grâce à Gaël je me suis repris après une demi heure. J'ai fait une petite réunion d'équipe et j'ai expliqué que nous devions donner la priorité au son car samedi à 10 heures, les musiciens seraient là et il faudrait pouvoir faire la balance tout de suite. Finalement, on est parvenu à terminer, pour le son en tous cas, dans les temps.

 

Samedi, on a balancé. Il y a eu divers problèmes qui ont fait que je n'ai pas pu prendre de repas de la journée, seulement deux bananes et quelques raisins. Le show a finalement eu lieu et c'était super. Malgré un petit problème ponctuel sur la HF de Tie, elle ne s'est pas laissée déstabiliser et à poursuivi. Durant le cafouillage HF, je suis monté au plateau pour modifier un paramètre de son belt pack, ce qui a largement amélioré les choses. Il n'y a plus vraiment eu de problème ensuite. Djibril quant à lui a fait une représentation incroyable. Il y avait eu beaucoup de tensions lors des sound Checks. Tout le monde était très fatigué. et là, c'était la délivrance pour lui. Il a vraiment pleuré à la fin de l'un de ses chants où il hurle la déchirure d'un homme noir qui a risqué sa vie pour la France et qui ne reçoit que mépris en échange. C'était, comme on le dit ici "Amazing" ! Mais vraiment "amazing" !

 

A la fin du show, j'étais très heureux car les artistes étaient heureux, le son en salle était excellent et le metteur en scène était ravi. Une seconde délivrance après celle de New-York !!!!! Mais j'étais absolument crevé et déphasé. Je n'avais même plus faim alors que je venais de faire 12 heures sans repas. L'équipe souhaitait boire un dernier verre dans un pub en ville. Je n'avais qu'une envie, rentrer à l'hôtel mais je ne voulais pas ne pas partager ce dernier moment "en famille". Alors j'ai accepté. Nous sommes arrivés au pub. Nous avons commandé. Je suis sorti avec Djibril et puis, mon corps, une fois de plus m'a dit "T'es trop con, je prends les commandes" et il m'a mis "shut down". J'ai perdu connaissance. Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais entouré de l'équipe, des employés du pub, de passants, tous bienveillants et rapidement, j'ai à nouveau traversé l'écran. J'étais dans "Urgence" Deux énormes ambulances sont arrivées et les infirmiers m'ont pris en charge. Je détaillerai ce moment plus tard lorsque j'aurai les vidéos et les photos que Djibril en a faites. Mais avant que l'ambulance n'arrive, Djibril, ne me voyant plus bouger, voyant mes yeux révulsés a dit à un passant. "Help me ! I'm afraid my friend just passed away"... Luce sait que je ne passe pas away si vite. Je suis à l'hôtel, j'attends le shuttle qui me conduira à l'aéroport. Quelle aventure !


Publié le 09/10/2022 /
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