Entrouvrir ma bouche

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Entrouvrir ma bouche. 

Et fouir le sol. Comme on fouille ses poches. 

 

Fuite de mots et souffle. 

Sur ma langue. Prélude au bonheur coquin. Goûtez. 

 

Découverte qui se dérobe. Ce baiser a la couleur du printemps. 

 

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Reste. Les sèves se pressent. L’enveloppe se hérisse. Mais Bouche Rouge : ne crains rien !

Hé quoi ? … Déjà ? … Tu pars ? … Je t’attends demain. Si tu le désires, Marron d’Inde, rejoins-moi !

 

Je perds le fil, immobile, parée de fruits aux lèvres… Je me souviens.

L’automne et sa grive au vent. Frais comme l’aube. 

Et l’aspect, farouche, du ravisseur. 

Voix sonore, sourire discret. 

Seul à seule.

 

“Si rare qu’à sauter dans l’eau, on ne se mouille pas. Embrasse-moi !”

Non, je voulais ta cour romantique, des mots ronds sans pointes.

 

“Ma bouche si tu voulais…”

Mais la petite bogue abrite une volonté bien tenace.

 

“Tu as sans doute la plus belle des amandes. Laisse-moi voir ! Et goûter en mon germe ton fruit.”

Ivre d’un appétit soudain, curiosité d’un paysage au goût inconnu : 

comment alors éteindre la torche ?

 

Germination, graine, tout nous menait vers le ressac - volcan éclos, savoureux et amer.

 

Lueur vacillante à la scène : il l’avait remarquée aussitôt. Il devinait derrière les piquants fiers l’écorce brune et parfaite. La fine peau. 

Elle - du marron d’Inde, du fruit défendu, qu’en savait-elle ? On l’avait mise en garde, et comme Néa elle ne voulait pas perdre sa vertu. Mais elle ne voulait pas se tuer non plus…

Entre chez moi donc, voleur de mon cœur. J’ai honte. Je soupire dans l'haleine du vent. Mais ton désir à la violence du plaisir. Y boire ensemble jusqu’à la fin.

 

Le baiser se fit coup de poing. 

Je haletais, et crépitais.

 Feu fougueux, pensées en vrac, j’ai faim, je viens…, je nais.

 

Et le soleil dardait.

 

Je m’offrais nue à la brise, tanguais…

Sa langue pénétrant comme une pleine lune la demeure secrète. 

J'ahanne, exulte ; m’étherifie, et m’évapore.

 

Idée vague et tenace. Je rougis. Cet élan, cette naïveté.

Lui, m’a découverte ; m’a déshabillée sur son papier. Et je le cherche.

Il n’est plus là. J’ai tutoyé l’extase, livré ma bouche… Quel rêve a conduit ce marron à rencontrer ma bogue ?

 

Tragédie au cœur de mon badinage ; sanction des amateurs de foucades… 
 

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En partance. 

Et sans me retourner, très vite, je me perds de vue. 

 

Un baiser voyage.

Ne se défait que ce qui est fait. 

 

Au signal du point alors, peut-être… séparons-nous.


Publié le 11/05/2022 /
Commentaires
Publié le 12/05/2022
Amour quand tu nous tiens! De ton texte je retiens: songe, désir, inconnu, interdit, disparition, séparation: un texte riche en émotions et en images plus osées qu'à ton habitude. La douleur derrière tout cela. Bon courage
Publié le 12/05/2022
Pour ton commentaire. Mais non, pas de douleur dans ce texte, plus comique que tragique ! Et rien d’autobiographique :)
Publié le 12/05/2022
Ah désolée, je suis encore une fois passée à côté.
Publié le 12/05/2022
Quel érotisme ! L'ambivalence et les sonorités ont mis le feu ! Très chouette ! Carrément torride! "Sa langue pénétrant comme une pleine lune la demeure secrète. J'ahanne, exulte ; m’étherifie, et m’évapore." Boum ! J'explose ! ;-)
Publié le 13/05/2022
J’ai ri à l’intitulé de ton commentaire. Rappel d’un copain de lycée qui, dès qu’il le pouvait, plaçait son “chaud boulette” ! Quant au texte : à la fragrance d’herbe fraîchement coupée, les fibres d’un cerveau bien à l’ouest sont passées du coquelicot à la châtaigne, allez comprendre ;)
Publié le 14/05/2022
Une plume magnifique trempée dans le désir et les sonorités sensuelles. Comme Patrice, c'est le passage qu'il cite qui m'a définitivement emporté. Et j'aime aussi qu'il y ait une partance, cela renforce la puissance de l'instant, c'est ce qui est éphémère et insaisissable qui est rare et précieux. Merci.
Publié le 19/05/2022
De ta lecture. Du clin d'œil de la plume et de l’en crier. Et d’avoir été sensible à la place de l’éphémère et de l’insaisissable du désir :)
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