C’était absurde
A chaque visite dans cet Ehpad, Clothilde sentait l’angoisse monter, jusqu’au moment où elle partait pour aller voir cette vieille amie là- bas.
Dès son arrivée dans ce lieu, elle était confrontée à de nombreux paradoxes. D’abord la beauté de ce lieu, le hall aux grandes baies vitrées avec des fresques sur les murs. Les galeries de photos des résidents ornant certains pans, et la lumière qui pointait partout.
Avant de prendre l’ascenseur pour arriver jusqu’à chez son amie, elle passait à l’accueil pour signer et signaler sa présence. L’hôtesse à la voix douce avait une disponibilité pour chacun qui donnait déjà le ton de cet établissement. Là où l’on entrait c’était pour faire du bien.
Elle prenait ensuite l’ascenseur, souvent avec des résidents qui profitaient de leur belle journée. Puis en sortant, elle tournait à droite, avant d’arriver devant la porte à moitié ouverte de sa vieille amie.
Elle ne savait jamais ce qui l’attendait ce jour là. Parfois c’était une attitude hostile, qui se dissipait avec les heures, parfois, c’était une plainte silencieuse qui atteignait son cœur tendre en pleine poitrine, parfois c’était des feintes pour esquiver l’angoisse.
Il était rare d’avoir de vraies discussions et même de sentir une quelconque reconnaissance à ces visites.
C’était absurde et pourtant, elle continuait à le faire.
Au début, ce fut pour elle une souffrance et petit à petit, sans même s’en apercevoir cela devint une joie.
C’était absurde d’être âgé, absurde de devoir partir un jour..
Evelyne de Gracia